lundi 23 mai 2011

La science, le pouvoir et le peuple

L'historien américain Clifford D. Conner propose une approche renouvelée, pour ne pas dire renversée, de l'histoire des sciences: face au temps événementiel de la découverte et des grands noms, il oppose le temps quotidien des artisans et des problèmes résolus pas à pas.

Les rapports de pouvoir ont toujours été articulés à des rapports de savoir, à la manière dont la connaissance était distribuée au sein de la société, monopolisée, investie, utilisée à des fins économiques ou politiques. ...

Notre vision de l'histoire de la science est arrimée à des mythes et des symboles, à l'anecdote d'un Newton découvrant la loi de la gravité en souffrant de la chute d'une pomme sur sa tête, à la fugure d'un Einstein réduisant l'énigme de l'espace et du temps à l'aide d'une simple équation. Nous avons spontanément tendance à voir la temporalité de la connaissance scientifique comme faite de «longues périodes d'ignorance et de désarroi, ponctuées de temps à autre par un «Eurêka!» chaque fois qu'un penseur de génie parvient à assembler une pièce du puzzle». ...

Les savants de métier n'auraient fait que de s'appuyer sur ce vaste matériau accumulé peu à peu pour parvenir à leurs «découvertes décisives»: la «capacité de Newton à "voir plus loin" n'est pas tant la résultante du fait qu'il se soit "juché sur les épaules des géants", que du fait qu'il se soit hissé sur le dos de milliers de petits artisans anonymes et illettrés.» La science serait donc une œuvre bien plus collective qu'on ne le croit ou que l'on voudrait nous le faire croire. ...


L'alliance de la science et du capital
L'évolution lente et équilibrée entre la science et le métiers subit une rupture au XIXe siècle, quand la civilisation capitaliste se met en place. Cette rupture se caractériserait par une monopolisation du savoir scientifique par les grandes firmes privées, par la mise en parallèle de la production de la connaissance et des flux financiers, ...

Pour Conner, «ce n'est plus la satisfaction des besoins humains mais la recherche du profit qui détermina la production du savoir scientifique aux XIXe et XXe siècle.» C'est la rationalité même de la production du savoir qui change: d'objective et désintéressée, la science serait de plus ne plus articulée à des intérêts privés et distribuée pour le profit de quelques uns seulement. Un constat qui invalide ainsi la thèse hégélienne d'un progrès continu de la raison dans l'Histoire pour le bien de l'humanité en son ensemble. Dominée par les experts et obsédée par la puissance, l’efficacité, la rationalisation, l’accumulation et le profit, la science est détournée de ses visées humanistes. Une «science lourde» apparaît.

Clifford O. Conner dresse un constat sociologique simple: la privatisation du savoir par de grandes firmes privés l'évide de l'objectivité dont il est pourtant constitutivement censé faire l'objet. Plus que de rapports de vérité, le savoir pocéderait désormais de rapports de force économiques. ...

L'historien termine son panorama socio-historique par une analyse de la révolution numérique et des autoroutes de l'information qu'elle a dessiné. Il rappelle que «les programmeurs sont les artisans, les ouvriers, les bâtisseurs et les architectes de la société de l'information», dont le développement, encore aujourd'hui, procède des démarches itératives de l'individu lui-même et lui rendent une certaine autonomie. ...

Au moment de conlure, Clifford D. Conner demeure cenpendant prudent: «c'est trop attendre d'une technologie que d'espérer que la prolifération des ordinateurs mènent à une quelconque libération». D'après, lui la technologie internet a été rapidement colonisé par les intérêts mercantiles des grands monopoles médiatiques. Elle aurait d'ailleurs plutôt servi à créer de nouvelles manières de travailler et de consommer que provoquer un réel renouvellement de l'engagement politique.

Au moment où il rédigeait son livre, les révolutions arabes, qui ont apporté un nouvel éclairage sur les potentialités politiques des micro-technologies de l'information, n'avaient cependant pas encore eut lieu.
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Clifford D. Conner, Histoire populaire des sciences, Ed. L'échappée, Paris, 2011, 560 p., 28 euros.

23 Mai 2011 Par Clément Sénéchal
mediapart.fr

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