Il se dit que 2013 est « l’année des MOOCs ». Les MOOCs ce sont les Massive Online Open Course – des cours en ligne ouverts à un très large public, la plupart du temps gratuits. En avril dernier, un MOOC de l’université californienne Caltech sur les « machines apprenantes » (Machine Learning) a réuni simultanément plus de 200 000 inscrits. Certains pensent qu’il s’agit potentiellement d’une vraie révolution, susceptible à terme d’impacter aussi bien l’enseignement supérieur initial que la formation continue des adultes. D’autres qu’il s’agit juste d’une « couverture marketing ». ...
Un MOOC, de quoi cela est il fait ?
Il y a différentes sortes de MOOC, la distinction la plus courante étant celle des x-MOOCs et des c-MOOCs.
Prenons d’abord les points communs :
- Il y a du contenu, mis à disposition des participants inscrits sur une plateforme dédiée. Ce contenu prend généralement la forme de vidéos, plus ou moins scénarisées. Il peut être complété par des liens avec d’autres ressources.
- Il y a un ou plusieurs sites qui permettent aux participants d’échanger, avec l’équipe qui anime le MOOC (enseignants, modérateurs) : wiki, forum, communauté Google +, page Facebook … Souvent, à ces espaces d’échanges prévus lors de la conception du MOOC, viennent s’ajouter des communautés créées par les apprenants eux-mêmes, qui se retrouvent par centre d’intérêt commun.
Les différences s’établissent en suite selon le type de MOOC :
- Les x-MOOCs (MOOCs académiques) sont dédiés à la transmission des contenus. La progression est préétablie, les contenus fournis par l’enseignant, souvent renommé. Les participants ont des évaluations régulières, qui leur permettent de valider leurs acquis. Ces évaluations peuvent prendre la forme de quiz ou de livrables plus complexes. La participation au MOOC peut donner lieu à la délivrance d’une attestation. Certains MOOCs permettent d’obtenir une certification, comme par exemple le récent MOOC Gestion de Projet organisé par Centrale Lille.
- Les c-Moocs (Moocs « connectivistes ») sont dédiés à la création de contenus. La progression, les objectifs, sont fixés de manière assez larges pour que chaque apprenant puisse déterminer ses propres objectifs et son propre cheminement. L’équipe enseignante fournit des ressources, mais très vite les participants mutualisent des ressources qu’ils ont eux-mêmes trouvées sur internet ou produites : c’est le « sourcing participatif », ou « crowdsourcing ». Chaque participant est incité non seulement à mutualiser des ressources, mais aussi à les commenter, et à créer son Espace Personnel d’Appropriation, sous la forme d’un mini blog personnel (sur Tumblr par exemple).
Quelles sont les compétences clés demandées aux apprenants sur un MOOC
Jean Vanderspelden , dans la réunion en ligne récemment dédiée par le FFFOD à ce sujet, résume très bien les compétences clés qu’il a mobilisées dans les différents MOOCs auxquels il a participé :
- Auto-détermination.
Si l’apprenant ne fait rien une fois qu’il s’est inscrit au MOOC, il ne se passe …rien.
A lui de se donner des objectifs, un rythme de travail.
- Auto-régulation
Très vite, et en particulier dans les c-MOOCs, le volume d’informations disponibles devient considérable. Aux ressources postées par les enseignants s’ajoutent celles postées par les apprenants, aux échanges sur le forum s’ajoutent les Espaces d’Appropriation Personnels (ici leseap du MOOC RESOP)…
Le risque est grand de se retrouver “lost in the MOOC”…
Jean Vanderspelden insiste donc beaucoup sur la nécessité d’accepter de ne pas tout lire, pas tout faire : prendre l’information pertinente au regard de ses propres objectifs individuels.
- Travail en mode collaboratif. Apprendre dans un MOOC, surtout dans un c-MOOC, c’est prendre un engagement pour soi-même, mais qui va être atteint avec et par les autres.
- Et bien sûr … aisance avec les medias sociaux et internet
Mais où est donc cet apprenant ?
« J’étais un peu tout seul » témoigne Sébastien Brunet dans cette même réunion du FFFOD.
J’en témoigne aussi, au travers de quelques expériences : seul (e) lorsque les ressources que l’on partage ne donnent lieu à aucun commentaire, lorsque l’on tente de s’insérer dans une discussion sans y parvenir vraiment. Submergé (e) lorsque les informations sont disséminées sur le site du MOOC, sur le Google +, sur la page FaceBook… Dépassé(e) lorsque le programme de la semaine 3 s’affiche et que l’on n’a pas encore eu le temps d’exploiter les ressources (passionnantes) de la semaine 1…
Bref, comme tout dispositif, le MOOC ne fait pas à la place de l’apprenant le chemin qui lui appartient.
Mais cette « part de chemin » est peut-être plus exigeante que dans un dispositif traditionnel.
Le x-MOOC, dans son approche plus dirigée, avec un « mono-sourcing » des ressources – les vidéos ou liens mis à disposition par l’enseignant – sont en fait proches du modèle traditionnel. Ils conviennent sans doute bien à des participants centrés sur le contenu, et/ou sur la finalité opératoire de la formation. Mais cela ne suffit pas à tout le monde : « je ne veux pas me cantonner à lire et à me mêler à 40 000 personnes dans une « cocktail party » géante (sans cocktail) » témoigne un étudiant dans l’article « MOOC learner : at the center of what ?». « Il n’y a pas de vrai enseignement, c’est juste une liste de lecture, des vidéos You Tube et un forum », dit un autre. Alors qu’un autre a trouvé dans le réseau des apprenants suffisamment d’interactions pour nourrir ses apprentissages : « nos meilleurs apprentissages sont faits a) par nous-mêmes b) dans les espaces de discussion avec les autres », écrit-il.
Les c-MOOCs, avec leur approche connectiviste, me semblent encore plus exigeants. Il m’a fallu « faire face à l’infobésité » et m’inscrire dans une approche collaborative, dit J. Vanderspelden. Et aussi « m’engager » , « respecter les règles » (les organisateurs donnent des repères et desbonnes pratiques, comme ici pour le MOOC RESOP): « trouver la juste posture ». Persévérer. Comme le soulignent S. Corolan et M. Magnin dans leur article « Les MOOC et la motivation : les élèves face à une formation autogérée», les c-MOOCs demandent encore plus de motivation intrinsèque à l’apprenant.
« Nous avons tous besoin de développer nos propres apprentissages, dans un monde qui change vite » écrit Betha Gutsche dans « MOOC learner : at the center of what ». Mais je vois le fossé s’élargir entre ceux qui ont des compétences et des outils pour l’auto-détermination (self-direction) et ceux qui ont besoin de beaucoup plus de support pour acquérir ces compétences. Les MOOC n’offrent pas beaucoup de bouées à ceux qui sont juste en train d’apprendre à nager dans l’environnement en ligne ».
Une massification élitiste ?
L’aspect « massification » peut se traduire par un certain élitisme , qui ne conserverait de la foule du début qu’une poignée de personnes très motivées et agiles sur les medias sociaux
Cet aspect sélectif, élitiste des MOOC est d’ailleurs assumé par certains acteurs. « Google, Apple, et les autres titans des technologies ont beaucoup à gagner à enseigner les masses. Ils peuvent (…) même offrir des job aux meilleurs étudiants. Quel meilleur moyen de recruter que de disposer des informations sur plusieurs années – informations dont vous êtes propriétaire ? » écrit Jeff Dunn dans« 5 potential WaysMOOCs will evolve ».
« La question se pose : peut-on détecter des esprits brillants grâce à un MOOC, pour éventuellement le recruter par la suite ? Coursera et Udacity comptent dessus en tout cas, car elle vend l’accès aux bases de données de ses étudiants » écrit Matthieu Cisel dans « Pourquoi faire des MOOCs »
Accompagner chaque apprenant, le vrai défi des MOOCs ?
Finalement, l’apprenant rêvé des MOOCs, c’est celui qui a trouvé la « voie de l’apprenance » dont parlait Eric dans son récent billet : « auteur de sa formation », il dispose de « l’ensemble stable de dispositions affectives, cognitives et conatives favorables à l’acte d’apprendre » (P. Carré).
Convenons, chers lecteurs formateurs, que tous les apprenants ne sont pas (encore) dotés de toutes ces heureuses dispositions …
Les MOOCs représentent une formidable opportunité d’apprendre en liberté, de partager le savoir, de créer de l’intelligence collective. Regardant la liste des inscrits au MOOC Gestion de projet, récemment organisé par Centrale Lille (3600 participants, une organisation remarquable saluée par les apprenants), je notais la présence d’étudiants basés en Afrique.
Quelle belle opportunité d’obtenir une certification d’un établissement renommé, d’échanger avec d’autres, en oubliant les obstacles du financement et des visas !
Nous n’en sommes qu’aux débuts. Au final, le vrai défi des MOOCs me semble de réussir à ce que chacun se sente exister dans ce très grand groupe, soit accueilli et accompagné, tant par ses pairs que par l’équipe enseignante. Entre automatisation et ingénierie tutorale, le chemin est à trouver.
Un MOOC, de quoi cela est il fait ?
Il y a différentes sortes de MOOC, la distinction la plus courante étant celle des x-MOOCs et des c-MOOCs.
Prenons d’abord les points communs :
- Il y a du contenu, mis à disposition des participants inscrits sur une plateforme dédiée. Ce contenu prend généralement la forme de vidéos, plus ou moins scénarisées. Il peut être complété par des liens avec d’autres ressources.
- Il y a un ou plusieurs sites qui permettent aux participants d’échanger, avec l’équipe qui anime le MOOC (enseignants, modérateurs) : wiki, forum, communauté Google +, page Facebook … Souvent, à ces espaces d’échanges prévus lors de la conception du MOOC, viennent s’ajouter des communautés créées par les apprenants eux-mêmes, qui se retrouvent par centre d’intérêt commun.
Les différences s’établissent en suite selon le type de MOOC :
- Les x-MOOCs (MOOCs académiques) sont dédiés à la transmission des contenus. La progression est préétablie, les contenus fournis par l’enseignant, souvent renommé. Les participants ont des évaluations régulières, qui leur permettent de valider leurs acquis. Ces évaluations peuvent prendre la forme de quiz ou de livrables plus complexes. La participation au MOOC peut donner lieu à la délivrance d’une attestation. Certains MOOCs permettent d’obtenir une certification, comme par exemple le récent MOOC Gestion de Projet organisé par Centrale Lille.
- Les c-Moocs (Moocs « connectivistes ») sont dédiés à la création de contenus. La progression, les objectifs, sont fixés de manière assez larges pour que chaque apprenant puisse déterminer ses propres objectifs et son propre cheminement. L’équipe enseignante fournit des ressources, mais très vite les participants mutualisent des ressources qu’ils ont eux-mêmes trouvées sur internet ou produites : c’est le « sourcing participatif », ou « crowdsourcing ». Chaque participant est incité non seulement à mutualiser des ressources, mais aussi à les commenter, et à créer son Espace Personnel d’Appropriation, sous la forme d’un mini blog personnel (sur Tumblr par exemple).
Quelles sont les compétences clés demandées aux apprenants sur un MOOC
Jean Vanderspelden , dans la réunion en ligne récemment dédiée par le FFFOD à ce sujet, résume très bien les compétences clés qu’il a mobilisées dans les différents MOOCs auxquels il a participé :
- Auto-détermination.
Si l’apprenant ne fait rien une fois qu’il s’est inscrit au MOOC, il ne se passe …rien.
A lui de se donner des objectifs, un rythme de travail.
- Auto-régulation
Très vite, et en particulier dans les c-MOOCs, le volume d’informations disponibles devient considérable. Aux ressources postées par les enseignants s’ajoutent celles postées par les apprenants, aux échanges sur le forum s’ajoutent les Espaces d’Appropriation Personnels (ici leseap du MOOC RESOP)…
Le risque est grand de se retrouver “lost in the MOOC”…
Jean Vanderspelden insiste donc beaucoup sur la nécessité d’accepter de ne pas tout lire, pas tout faire : prendre l’information pertinente au regard de ses propres objectifs individuels.
- Travail en mode collaboratif. Apprendre dans un MOOC, surtout dans un c-MOOC, c’est prendre un engagement pour soi-même, mais qui va être atteint avec et par les autres.
- Et bien sûr … aisance avec les medias sociaux et internet
Mais où est donc cet apprenant ?
« J’étais un peu tout seul » témoigne Sébastien Brunet dans cette même réunion du FFFOD.
J’en témoigne aussi, au travers de quelques expériences : seul (e) lorsque les ressources que l’on partage ne donnent lieu à aucun commentaire, lorsque l’on tente de s’insérer dans une discussion sans y parvenir vraiment. Submergé (e) lorsque les informations sont disséminées sur le site du MOOC, sur le Google +, sur la page FaceBook… Dépassé(e) lorsque le programme de la semaine 3 s’affiche et que l’on n’a pas encore eu le temps d’exploiter les ressources (passionnantes) de la semaine 1…
Bref, comme tout dispositif, le MOOC ne fait pas à la place de l’apprenant le chemin qui lui appartient.
Mais cette « part de chemin » est peut-être plus exigeante que dans un dispositif traditionnel.
Le x-MOOC, dans son approche plus dirigée, avec un « mono-sourcing » des ressources – les vidéos ou liens mis à disposition par l’enseignant – sont en fait proches du modèle traditionnel. Ils conviennent sans doute bien à des participants centrés sur le contenu, et/ou sur la finalité opératoire de la formation. Mais cela ne suffit pas à tout le monde : « je ne veux pas me cantonner à lire et à me mêler à 40 000 personnes dans une « cocktail party » géante (sans cocktail) » témoigne un étudiant dans l’article « MOOC learner : at the center of what ?». « Il n’y a pas de vrai enseignement, c’est juste une liste de lecture, des vidéos You Tube et un forum », dit un autre. Alors qu’un autre a trouvé dans le réseau des apprenants suffisamment d’interactions pour nourrir ses apprentissages : « nos meilleurs apprentissages sont faits a) par nous-mêmes b) dans les espaces de discussion avec les autres », écrit-il.
Les c-MOOCs, avec leur approche connectiviste, me semblent encore plus exigeants. Il m’a fallu « faire face à l’infobésité » et m’inscrire dans une approche collaborative, dit J. Vanderspelden. Et aussi « m’engager » , « respecter les règles » (les organisateurs donnent des repères et desbonnes pratiques, comme ici pour le MOOC RESOP): « trouver la juste posture ». Persévérer. Comme le soulignent S. Corolan et M. Magnin dans leur article « Les MOOC et la motivation : les élèves face à une formation autogérée», les c-MOOCs demandent encore plus de motivation intrinsèque à l’apprenant.
« Nous avons tous besoin de développer nos propres apprentissages, dans un monde qui change vite » écrit Betha Gutsche dans « MOOC learner : at the center of what ». Mais je vois le fossé s’élargir entre ceux qui ont des compétences et des outils pour l’auto-détermination (self-direction) et ceux qui ont besoin de beaucoup plus de support pour acquérir ces compétences. Les MOOC n’offrent pas beaucoup de bouées à ceux qui sont juste en train d’apprendre à nager dans l’environnement en ligne ».
Une massification élitiste ?
L’aspect « massification » peut se traduire par un certain élitisme , qui ne conserverait de la foule du début qu’une poignée de personnes très motivées et agiles sur les medias sociaux
Cet aspect sélectif, élitiste des MOOC est d’ailleurs assumé par certains acteurs. « Google, Apple, et les autres titans des technologies ont beaucoup à gagner à enseigner les masses. Ils peuvent (…) même offrir des job aux meilleurs étudiants. Quel meilleur moyen de recruter que de disposer des informations sur plusieurs années – informations dont vous êtes propriétaire ? » écrit Jeff Dunn dans« 5 potential WaysMOOCs will evolve ».
« La question se pose : peut-on détecter des esprits brillants grâce à un MOOC, pour éventuellement le recruter par la suite ? Coursera et Udacity comptent dessus en tout cas, car elle vend l’accès aux bases de données de ses étudiants » écrit Matthieu Cisel dans « Pourquoi faire des MOOCs »
Accompagner chaque apprenant, le vrai défi des MOOCs ?
Finalement, l’apprenant rêvé des MOOCs, c’est celui qui a trouvé la « voie de l’apprenance » dont parlait Eric dans son récent billet : « auteur de sa formation », il dispose de « l’ensemble stable de dispositions affectives, cognitives et conatives favorables à l’acte d’apprendre » (P. Carré).
Convenons, chers lecteurs formateurs, que tous les apprenants ne sont pas (encore) dotés de toutes ces heureuses dispositions …
Les MOOCs représentent une formidable opportunité d’apprendre en liberté, de partager le savoir, de créer de l’intelligence collective. Regardant la liste des inscrits au MOOC Gestion de projet, récemment organisé par Centrale Lille (3600 participants, une organisation remarquable saluée par les apprenants), je notais la présence d’étudiants basés en Afrique.
Quelle belle opportunité d’obtenir une certification d’un établissement renommé, d’échanger avec d’autres, en oubliant les obstacles du financement et des visas !
Nous n’en sommes qu’aux débuts. Au final, le vrai défi des MOOCs me semble de réussir à ce que chacun se sente exister dans ce très grand groupe, soit accueilli et accompagné, tant par ses pairs que par l’équipe enseignante. Entre automatisation et ingénierie tutorale, le chemin est à trouver.
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