jeudi 29 septembre 2011

Le numérique pour mieux évaluer les élèves ?

Notes, assiduité, résultats aux examens, données socio-économiques… Les établissements scolaires et les universités disposent d’un large éventail de données sur les élèves.
 
Pourtant, cette masse de données n’est pas véritablement exploitée. Comment faire parler les données de l’éducation en sortant de la simple évaluation notée sur 20 ?
 
La notation sur 20 vit-elle ses derniers moments ? Réunis au campus Microsoft France mercredi matin pour une conférence sur les nouvelles possibilités d’aide à l’évaluation des élèves grâce au numérique, plusieurs professionnels du monde de l’éducation ont appelé de leurs vœux la fin d’un système jugé obsolète. Pas suffisamment représentative, subjective voire opaque, la note telle que les élèves français la connaissent -la subissent aussi parfois- cumule les griefs.
 
> « Le Bac ne veut rien dire »
 
« On part de très loin. Tout au long du 20e siècle, notre système d’éducation a fonctionné en ne se préoccupant jamais des acquis des élèves », a déploré Anne-Marie Bardi, Inspectrice générale honoraire, en introduction.
 
Cette ancienne professeure de mathématiques a vite fait d’enterrer le système de notation sur 20 qui fait encore aujourd’hui autorité dans les conseils de classe. Il faut dire que le grand principe d’égalité sur lequel l’école a été conçue par Jules Ferry a finalement accouché d’un système où les résultats priment sur les compétences, sanctionnent des acquis mais ne les évaluent finalement pas, estime Anne-Marie Bardi en citant l’exemple du Bac.
 
« Le Bac ne veut rien dire mais la nation se préoccupe de l’objectif qu’elle s’est fixé, à savoir faire en sorte que 80% d’une classe d’âge soit au niveau du Bac. »
 
Le trait est volontairement grossi, le propos, provocant et sans langue de bois. L’idée de cette rencontre étant justement d’interpeller sur les limites d’une notation et d’un système obsédé par le passage en classe supérieur qui ont vécu.
 
« Ce qui est pris en compte aujourd’hui, ce sont des taux : les taux de réussite ou d’échec, de filles en filières scientifiques, de redoublement…, poursuit-elle. Quel intérêt est porté aux élèves ? Il existe pourtant des quantités de données que l’on pourrait exploiter. »
 
C’est cette voie qu’ont choisi d’explorer deux enseignants. Chacun dans leur établissement, l’un dans un collège de St Brieuc et l’autre dans un lycée de Corbeil-Essonnes, les deux professeurs ont mené, de leur propre initiative, une expérience d’évaluation sans note ou presque.
 
« L’idée était de mettre en ligne un outil accessible aux élèves pour qu’ils se rendent compte de leur niveau individuel et par rapport au reste de la classe », explique Pascal Bihouée, le professeur de collège.
 
> Proposer un bilan personnalisé de l’élève
 
Courbes, histogrammes, barres et nuages de points ont donc remplacé la simple note sur 20 pour aider l’élève à se situer plus précisément. Surtout, cette exhaustivité a permis une évaluation pointant les forces et les faiblesses de l’élève, non pas de manière globale (avec une note moyenne dans une matière par exemple) mais détaillée (avec une jauge sur son raisonnement, ses connaissances, sa maîtrise de la langue, ses marges de progression etc.)
 
« Cette évaluation permet une cartographie de l’élève et de ses compétences. On obtient un bilan vraiment personnalisé tout en collectant des données sur l’ensemble de la classe », se réjouit Pascal Bihouée.
 
« Les échanges pendant les conseils de classe sont plus construits également, souligne Pascal Cherbuin, initiateur d’une expérience similaire qui a mobilisé 12 enseignants de sciences. Les résultats démontrent aussi que deux moyennes de 12/20 ne se valent pas. Cela nous permet de justifier nos choix en termes de passage ou de redoublement. »
 
Et pour l’élève et ses parents d’avoir un aperçu plus complet et facile à lire.
 
Le débat n’est pas nouveau et intéresse également à l’étranger. Très récemment, le théoricien de l’éducation George Siemens (auteur de plusieurs blogs comme elearnspace et Connectivism) de l’Institut de recherche des technologies augmentées pour la connaissance de l’université d’Athabasca, appelait déjà à la mise en place de nouveaux outils.
 
« Nous avons besoin d’outils, de moyens sur lesquels fonder les réformes éducatives incessantes… Les outils de mesure et d’analyse de l’apprentissage doivent avoir ce rôle, affirme-t-il. Une fois que nous comprendrons mieux le processus d’apprentissage, alors nous pourrons prendre des décisions éclairées étayées par des preuves. »
 
Pour l’instant, de telles initiatives restent isolées. En clair, si les professeurs veulent mettre en place de nouveaux outils, libre à eux. Mais il n’existe rien de standard et d’harmonisé au niveau national, ce qui ne permet pas de confronter les données entre les différents établissements. Un frein évident à la « Révolution copernicienne » (selon les termes d’Anne-Marie Bardi) attendue depuis la mise en place du socle commun en 2005.
 
« Nous avons besoin d’un outil accessible à tous les professeurs et à toutes les disciplines, souple dans la collecte des données, pertinent et homogène dans l’analyse de ces données », estime encore Pascal Cherbuin.
 
Et d’une politique volontariste pour impulser sa mise en place dans les établissements.
 

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