mercredi 28 septembre 2011

Politique de la ville : le numérique, allié parfois oublié

Les « EPN », ou « établissement publics numériques », sont des lieux d’apprentissage du numérique … mais pas seulement. Et les acteurs clefs de la politique de la ville auraient bien intérêt à les mobiliser pleinement dans leurs missions : voilà le constat d’une étude pilotée par l’Agence nouvelle des solidarités actives et le secrétariat général du comité interministériel des villes. En voici les principaux points. L’étude intégrale, de 77 pages, est disponible au format PDF.
 
Le constat :
Oubliés les clichés, les quartiers ne sont pas moins connectés que les autres territoires. L’écart en terme d’équipements y est finalement assez faible par rapport au reste de la population, souligne, en préalable, l’étude de l’Ansa, en s’appuyant sur des travaux menés par la Caisse des dépôt et consignations.
 
La véritable fracture numérique, c’est celle des usages. Et l’Ansa de détailler :
 
« La fréquence d’utilisation d’internet est moindre et les usages à caractère « utilitaire » (consommations de biens, services, démarches en ligne) sont moins développés dans les pratiques des quartiers, par rapport aux moyennes sur l’ensemble de la population. »
 
Proposer une offre d’accompagnement personnalisée et au plus près des usages de chacun : c’est précisément là toute la mission des EPN, ces « lieux équipés d’ordinateurs connectés […] où un ou plusieurs animateurs accueillent et accompagnent dans l’apprentissage des outils et usages numériques [en] mobilisant des compétences techniques et pédagogiques pour transmettre leur savoir-faire numérique aux personnes dans le but de les rendre autonomes dans l’utilisation de l’outil. »
 
Mais, au-delà de cette mission, disons « 100% numérique », les EPN doivent également être abordés comme des lieux clefs du développement social d’un quartier.
 
Voilà la thèse au cœur de cette étude, qui constitue au final un plaidoyer pour une extension à la hausse des missions des EPN – et, par conséquent, des liens avec les autres acteurs de la « politique de la ville ».
 
Cette convergence entre les actions des EPN et les territoires clefs de la politique de la ville porte sur quatre grandes thématiques :
 
  • L’emploi :
En la matière, le constat est sans appel :
« Presque toute recherche d’emploi passe aujourd’hui par internet, via le site de Pôle emploi, des sites de recrutement spécialisés ou encore les réseaux sociaux. 80% des offres sont publiées en ligne, un tiers de ces offres ne sont publiées qu’en ligne et sont donc inaccessibles aux « non-connectés ». Les candidatures se font de plus en plus par l’envoi de mails ou directement sur des formulaires en ligne… »
 
Problème relevé par l’Ansa :
« Cette dématérialisation, encouragée par les pouvoirs publics, met les usagers sans compétences numériques en difficulté dans leur recherche d’emploi », et « « les conseillers du service public de l’emploi, des missions locales, des PLIE et des espaces insertion […] ne peuvent pas toujours assurer cet accompagnement de manière satisfaisante. » Résultat ? « Ces acteurs du service public de l’emploi, ainsi que certains prestataires de Pôle emploi, envoient donc les demandeurs d’emploi, lorsqu’ils ne maîtrisent pas l’outil informatique, vers les EPN. »
 
Et c’est ainsi que, d’espace d’apprentissage du numérique, les EPN deviennent auxiliaires du service public de l’emploi
 
  • L’éducation :
Mise à disposition (de locaux, de matériel), collaboration avec les acteurs du système éducatif (intervention dans des classes, auprès de parents d’élèves), ou co-construction (activités conçues en binôme EPN-établissement, co-animation entre enseignants et animateurs d’EPN) : voilà les grandes contributions des EPN en matière d’éducation.
 
La modalité d’intervention est souvent la même : la logique du partenariat avec la communauté éducative.
 
L’offre de nouvelles expériences éducatives mobilisant pleinement les usages du numérique peut-être décisive, plaide l’Ansa :
 
« Le détour par les outils numériques et par un lieu [l’EPN, NDLR], qui n’est pas l’école (avec laquelle ils entretiennent parfois des rapports conflictuels), permet une approche différente, plus informelle et parfois plus adaptée aux élèves en difficulté. »
 
  • La lutte contre l’isolement :
Créer du lien social en accueillant, au sein d’un EPN, des personnes âgées isolées ; accompagner des populations qui souhaitent garder un lien avec leur pays d’origine en ligne, et ce dans une approche résolument « non communautaire », capter l’attention de « jeunes décrocheurs » en leur proposant des projets artistiques et culturels.
 
Voilà quelques-unes des manières d’utiliser le numérique au service de la « cohésion sociale », et qui sont d’ores et déjà implémentées dans des EPN.
 
Mais attention, les rôles doivent rester clairement répartis, plaide l’étude :
 
« L’animateur numérique, aussi polyvalent soit-il, ne peut se substituer à un travailleur social. L’idée n’est pas de faire le travail des autres sans les autres mais bien de travailler en collaboration afin d’assurer un accompagnement de qualité. »
 
  • Et, au final, « la vie des quartiers », au sens large :
S’exprimer sur son quartier, en raconter la mémoire sur un blog collectif, créer un reportage mixant photos, son, et vidéos : voilà autant de manière d’encourager l’expression et la production des habitants, qui, évidemment, peuvent tirer profit de tous les usages numériques.
 
Et la contribution des EPN en la matière, décisive, participe largement à l’évolution de l’image des quartiers, via ce rôle d’animateur :
 
« Les projets collectifs des EPN favorisent l’échange entre les habitants et donnent de la vie au qurtier. Mixer les publics, les âges, les centres d’intérêt est un bon moyen pour créer du lien social dans le quartier. »
 
Les propositions : 

 

Pour mettre les EPN au cœur de la politique de la ville, et développer chacun des leviers identifiés, l’Ansa formule une série de recommandations, ultra pragmatiques. Elles relèvent évidemment avant tout de « la cuisine administrative », mais elles indiquent quelques points clefs de blocage, suggère des rapprochements inédits.
 
Nous vous en livrons quelques-unes :
- Encourager la mise en place de partenariats structurés grâce à la signature de conventions entre réseaux d’EPN et Pôle Emploi,
- Animer les partenariats entre EPN et établissements scolaires, organiser des réunions avec associations de parents d’élèves, directions d’établissements scolaires,
- Faire en sorte que les actions des EPN soient systématiquement inscrites dans le cadre des « projets de territoire », via les Contrats urbains de cohésion sociale - les CUCS. Il s’agit là d’une piste clef pour le financement des actions des EPN,
- Construire des réseaux d’EPN …
 
[Disclaimer : Microsoft, éditeur de RSLN, est l’un des partenaires de cette étude, et accompagne l’Ansa dans la durée]

>> Pour aller plus loin :

- Compte-rendu : Quand le numérique aide à l’insertion dans les quartiers défavorisés
- Etude : Il n’y a pas un, mais trois fossés numériques en France
- Le baromètre des enjeux numériques consacré à la vie connectée des Français et réalisé par TNS Sofres pour Microsoft France : Usages et équipement : les nouveaux visages de la fracture numérique
- TIC’Actives : Coup d'envoi d'une deuxième année de projets
- Une tribune : Pour une société numérique solidaire, par Benoît Genuini (alors président de l’Ansa)


Par Antoine Bayet le 27/09/2011

http://www.rslnmag.fr/blog/2011/9/27/politique-de-la-ville_le-numerique_allie-parfois-oublie/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire