mardi 13 septembre 2011

« Nous avons besoin de passer à une pédagogie plus participative et collaborative »

Elève devant son ordinateur

Jean-Michel Fourgous prépare l’école de demain. Après avoir signé un rapport sur « Réussir l’école numérique », le député-maire UMP d’Elancourt (Yvelines), également secrétaire national de l'UMP chargé du développement du numérique dans l'Education, vient de se voir confier une nouvelle mission par le Premier ministre, fin août pour réfléchir à « la modernisation de la pédagogie par l’utilisation du numérique ».

Il ne rendra ses conclusions que dans six mois mais Jean-Michel Fourgous a déjà une idée de tous les atouts que l’école, du primaire au secondaire, pourrait tirer du numérique. Interview.
 
Quel est le but de la mission que vous a confiée François Fillon ?
Mener une réflexion sur la pédagogie à l’heure du numérique. Les outils numériques sont un formidable vecteur de changement mais il faut aussi que la pédagogie suive. Michel Serres dit « L’école a changé chaque fois que nous avons changé de support. Le support ne dépend pas de la pédagogie mais la pédagogie dépend du support. » Il est aujourd’hui impossible d’enseigner de manière aussi verticale, frontale et magistrale qu’avant. Nous avons besoin de passer à une pédagogie plus participative et collaborative.
 
La formation des professeurs doit-elle évoluer ?
Oui, il est nécessaire de sensibiliser les professeurs au numérique. D’ailleurs, ils sont très demandeurs : ils étaient 45% en 2002 à croire en la valeur ajoutée des TICE, ils sont 95% aujourd’hui. Et puis, les élèves seraient plus sensibles à des professeurs formés et maîtrisant les outils numériques, cela permettrait une certaine réconciliation de la relation prof/élève. Des professeurs nous ont dit que le numérique revalorisait leur métier.
 
Justement, comment les outils numériques peuvent-ils être utilisés en classe ?
A Elancourt, nous avons équipé toutes les classes en TNI (tableau numérique interactif) et en visioconférence pour les cours d’anglais, avec un professeur anglais ou américain. Surtout, nous avons développé une pédagogie mixte qui prolonge l’expérience de la classe à domicile. Après l’école, les élèves travaillent chez eux sur un contenu validé par le professeur mais de façon plus ludique. Cette approche permet une pédagogie différenciée, qui tient davantage compte de l’élève et s’adapte à son rythme. Elle est très complémentaire avec l’école et permet en outre de lutter contre l’ennui, l’échec et l’absentéisme scolaire.
 
Cela signifie-t-il que nous nous dirigeons vers une école à la carte et individualisée ?
Non, car il impossible de ne plus avoir de tronc commun. Plus qu’une diversification des contenus, cette approche différenciée est d’abord une diversification de forme. Le numérique permet justement une meilleure égalité des chances, en permettant une évaluation en temps réel des élèves et en leur proposant des contenus adaptés. On passe d’une pédagogie de massification à une pédagogie individualisée.
 
A condition d’être bien équipé car l’école numérique représente un budget. Qui doit payer selon vous ?
Effectivement, à l’échelle d’une ville, on dépasse très vite le million d’euros. Je pense que les régions et les collectivités doivent assurer ce coût. Je vous rappelle que le financement des outils pédagogiques fait partie de leur mission. En ce qui concerne les fournitures « exceptionnelles », comme une tablette par exemple, elles sont à la charge des parents.
 
Quid des zones blanches où l’internet fait encore défaut ?
Les foyers avec enfants sont à 90% connectés à internet et les trois quarts des écoles sont reliées au haut débit. A cela s’ajoutent les espaces multimédia et le téléphone mobile qui permet de se connecter.
 
Dans sa lettre de mission, François Fillion insiste sur les échanges entre l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements et les associations. Avez-vous commencé les auditions ?
Notre objectif est d’écouter tout le monde sur le terrain. Nous avons vu des professeurs, nous avons prévu des rencontres avec des chercheurs, des formateurs, des experts. En complément, le site dédié à mes missions sur les Tice se veut un forum ouvert à tous. Et puis, nous regardons aussi ce qui se fait à l’étranger. Nous avons une veille internationale, sur laquelle travaillent Pascal Cotentin (directeur du Centre régional de Documentation pédagogique et conseiller pour les Tice de M. le Recteur de l'académie de Versailles) et François Taddei (chercheur en biologie, auteur du rapport sur l'éducation de l' OCDE). Nous avons par exemple constaté que les pays les mieux classés au Pisa sont aussi ceux qui ont le plus investit sur l’école numérique (la France occupe le 19e rang, NDLR). Nous réfléchissons à ce que nous pourrions adapter en France, en regardant les initiatives du Canada, pays avec lequel nous partageons une culture commune.
 
L’apprentissage par les outils numérique est-il vraiment plus efficace ? Avez-vous des retours d’expérience à ce sujet ?
Certaines expériences dans le monde montrent une augmentation de 16% à 31% des résultats des élèves, avec une augmentation de l’attractivité pour les disciplines scientifiques, les SVT ou encore l’anglais.
 
Que pensez-vous des nouvelles méthodes pédagogiques comme la gamification ?
On voit bien que la stimulation intellectuelle est une source de motivation. Le numérique redonne véritablement l'envie d'apprendre.
 
Pensez-vous nécessaire de créer des zones prioritaires pour l’école numérique, comme sur le modèle des ZEP ?
Non, rien ne sera obligatoire. Nous sommes dans une phase où il faut avancer avec les gens qui ont envie, c’est comme cela que nous accompagnerons au mieux le changement. Et pour tout dire, je crois qu’aujourd’hui, plus personne ne peut dire non à l’école numérique.

 
(Visuel: Winner par nomanson, Flickr, licence CC
 
> Pour aller plus loin:
Nous vous proposons de retrouver le numéro consacré par RSLN à la thématique de l’éducation à l’heure numérique. Il date du premier semestre 2008, mais reste largement d’actualité :

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire