lundi 29 août 2011

Gouverner l’innovation numérique d’entreprise

En entreprise numérique, l’innovation naît des usages renouvelés des systèmes d’information. Pour gouverner cette innovation numérique, il faut aménager le modèle de gouvernance des systèmes d’information dit « Maîtrise d’ouvrage/Maîtrise d’œuvre » avec des « régimes numériques d'entreprise » adressant des usages différenciés.

Economie de la connaissance, économie de l’information, économie de l’immatériel… En cette année 2011, la formule semble se fixer avec le qualificatif numérique. Cet élément de langage, dont on peut noter que l’équivalent anglais reste incertain (numeric, numerical, digital,…), sera-t-il un catalyseur assez puissant pour inspirer les acteurs à réinventer l’entreprise et imaginer des modèles innovants de création de valeur ? Car il faut bien admettre qu’en ce début de cette année « nous ne connaissons ni les limites (…) ni les modalités exactes de la création de valeur par le numérique »[1].

Une taxonomie des usages renouvelés des SI

Or en entreprise, cette création de valeur numérique naît des usages renouvelés des systèmes d’information (SI). Un exemple immédiat d’usage renouvelé est la mise d’un site d’entreprise sous un contrat Creative Commons au lieu du traditionnel copyright.

Pour explorer la création de valeur en entreprise numérique, nous proposons une taxonomie d’usage des SI à cinq classes : « organisationnel, relationnel, technologique, humain et intellectuel » [2].

La première classe, l’usage « organisationnel » des SI, vient immédiatement à l’esprit : sans possibilité d’automatisation des tâches par les SI, les entreprises n’auraient pas été massivement réorganisées par reconfiguration de leurs activités en processus.

Le second usage est « relationnel » : il est porté par les différentes générations de systèmes de communication pour entreprise et dont la dernière est construite autour des smartphones.

L’usage « technologique » est observé lors d’un couplage entre un SI et un système de surveillance, d’alarme et de contrôle d’un outil industriel, par exemple un système de signalisation ferroviaire.

Pour la quatrième classe, « l’humain », un exemple est l’exposition de CV, de recommandations et de contacts dans les réseaux professionnels publics.

Enfin, on peut qualifier d’usage « intellectuel » la publication en ligne de travaux de recherche par une entreprise adoptant une politique d’Open Innovation [3].

Pertinence du modèle Maîtrise d’ouvrage / Maîtrise d’œuvre

Face à ces différents usages, la gouvernance de création de valeur passe par des dispositifs adaptés.

En France, de nombreux dispositifs de gouvernance reposent sur le modèle de gestion informatique dit « Maîtrise d’ouvrage / Maîtrise d’œuvre » (MOA/MOE). Ainsi, une enquête en ligne révèle que ce modèle serait adopté dans les entreprises françaises à plus de 80 % pour régler les relations entre les directions métiers et la direction des systèmes d’information (DSI) [4].

En effet, lors d’une reconfiguration d’une activité en processus, c’est la direction métier qui arrête le design des processus, définit le calendrier de déploiement, et retient à son budget les coûts du développement de l’application informatique. Pour les systèmes de communication, ce sont également les directions métiers qui fixent les niveaux de qualité de service (SLA). Et en usage technologique, les données traitées par les SI sont dictées par les fonctionnalités des systèmes industriels.

En revanche pour un usage humain, cette relation de type client fournisseur classiquement entretenue entre la direction métier et la DSI trouve ses limites : il faut convoquer une troisième partie prenante, la direction des ressources humaines.

De même, en usage intellectuel, il vaut mieux inviter la direction juridique dès l’étude d’opportunité du SI et en maintenir l’implication pendant l’exploitation.

À titre d’exemple, reprenons le système de publication d’articles en ligne pour « partager » des travaux de recherche : c’est le respect effectif du Code de la propriété intellectuelle par les lecteurs « utilisateurs » des articles qui déterminera l’intensité de l’usage du système de publication : la publication des articles est valorisée par la reconnaissance expresse des auteurs personnes physiques ou morales par les tiers utilisateurs, et dans le B2B, le niveau de maturité de cette pratique n’atteint pas encore celui de la sphère académique, à l’exception peut être d’une poignée d’entreprises mondialement reconnues pour leurs capacités de recherche et d’innovation.

Des régimes numériques d’entreprise

Si l’usage organisationnel ou relationnel des SI est largement maîtrisé par la fonction informatique, l’usage technologique l’est plus rarement, et l’usage humain ou intellectuel est émergent. Avec leur développement, on peut s’attendre à ce que la gouvernance des SI calée sur le modèle MOA/MOE évolue en des modèles différenciés [5].

Pour inspirer cette évolution, nous proposons de recourir à la notion de « régime numérique d’entreprise », où la notion de régime (Ang : regime) puise sa force dans le paradigme politique [6].

Et d’ores et déjà, on peut identifier certaines pratiques de gouvernance de SI préfigurant des taxonomies de régimes numériques d’entreprise [6][7].

Références
[1] « L’entreprise numérique - quelles stratégies pour 2015 ? » Bruno Ménard, CIGREF, Nuvis publishing, 2010.
[2] Lors de ses prestations, Dô-Khac Decision la désigne par HORIT : “Humain, Organisationnel, Relationnel, Intellectuel, Technologique”
[3] « Open Innovation: The new imperative for creating and profiting from technology», Henry Chesbrough, Harvard Business School Press, 2003.
[4] Open Survey N°2 : 12 questions pour apprécier la pertinence du modèle « maîtrise d’ouvrage – maîtrise d’œuvre », une enquête produite par Dô-Khac Decision SARL.
[5] « Ontologies de la trilogie MOA-MOE-MUE », Tru Dô-Khac, CIO-Online, 1er novembre 2010.
[6] Cette idée de s’inspirer pour la gouvernance de SI de la gouvernance politique n’est pas nouvelle. Dès 2002, le professeur P. Weill (MIT) présentait une taxonomie de gouvernance SI où figuraient « IT Monarchy », « Feudalism », ou « Federalism ». Mais curieusement, son auteur a désigné génériquement ces éléments par « archétype » (Ang : archetype) alors que ce sont proprement des régimes politiques…“Don’t just lead: govern. Implementing effective IT governance”, Peter Weill, Richard Woodham, 2002, MIT CISR.
[7] "Le Régime Numérique est le Service (The Regime is the Cloud Computing Service )" , CIO-Online, 17 janvier 2011


Par Tru Dô-Khac, consultant en innovation et gouvernance numérique

lundi 29 août 2011

http://www.infodsi.com/articles/122477/gouverner-innovation-numerique-entreprise-tru-do-khac-consultant-innovation-gouvernance-numerique.html

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