En bord de mer, mais en proie à la sécheresse. Baignée de soleil, mais souffrant de pénurie énergétique... Côté ressources naturelles, la région Méditerranée cultive les paradoxes. Face aux défis posés par le développement et une démographie galopante, la voilà confrontée à des questions épineuses et cruciales : quelles solutions apporter face au manque d’eau douce ? La pêche pourra-t-elle toujours nourrir la population ? Comment répondre à la hausse des besoins énergétiques ? L’avenir de la région dépend en grande partie des réponses qui seront apportées à ces questions.
Enquête de Xavier Müller et Philippe Testard-Vaillant, article paru dans CNRS le journal n° 258-259, juillet-août 2011
La pénurie d’eau
La Méditerranée a soif. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 180 millions de Méditerranéens disposent de moins de 1 000 m3/an, la valeur définie comme seuil de pauvreté officiel pour l’eau. Et les 60 millions de personnes les moins bien loties ont accès à moins de 500 m3/an. Avec la croissance démographique annoncée, ces deux catégories seront respectivement de 250 et de 80 millions en 2025. Les raisons de cette pénurie ? Le principal facteur est naturel. C’est bien sûr l’aridité du climat méditerranéen, avec ses longs mois secs estivaux. Les pluies violentes qui s’abattent parfois sont bien loin d’être suffisantes. Pour faire face au déficit en eau, "de nombreux pays se sont équipés d’usines de dessalement ; d’abord dans les îles - Malte, les Baléares, Chypre et les îles grecques -, puis de manière plus généralisée", précise Christian Leduc, de l’Institut de recherche pour le développement, à Montpellier, codirecteur de Sicmed, l’un des programmes de Mistrals (le plus grand programme interdisciplinaire jamais dédié à la compréhension du Bassin méditerranéen, copiloté par le CNRS et l’Institut de recherche pour le développement, l’IRD, lancé en 2008, et impliquant actuellement 26 pays européens et du pourtour méditerranéen) sur les ressources et les usages de l’eau dans les pays méditerranéen. "La production actuelle est d’environ 10 millions de m3 d’eau par jour à l’échelle du Bassin." De quoi répondre tout de même à la demande actuelle en eau potable et d’irrigation d’un pays comme la Tunisie et ses 10,6 millions d’habitants.
Mais, pour l’hydrologue, le dessalement n’est pas la panacée, en particulier à cause de son coût élevé et de la faiblesse des quantités d’eau produites. Autres solutions envisagées : l’utilisation des eaux épurées, qui sont jusqu’à présent peu exploitées sur la rive sud, notamment pour des raisons sanitaires et culturelles, et une meilleure gestion des nappes phréatiques. Pour Christian Leduc, faciliter la recharge de ces nappes est une évidence. Mais comment procéder ? En canalisant l’eau jusqu’à des zones perméables, comme d’anciennes carrières de graviers, ou en optimisant les conditions d’inondation des plaines grâce à des barrages.
L’hydrologue constate cependant que la réponse au problème de l’eau repose avant tout sur les pratiques agricoles : "L’abattage de forêts, l’extension de l’agriculture et de l’irrigation, l’aménagement des versants sont autant de facteurs qui déterminent les ressources en eau disponibles à court terme." Il faut dire que, sur les rives sud et est de la Méditerranée, l’agriculture engloutit à l’heure actuelle 85 % de l’eau douce. Ces cinquante dernières années, les volumes de production des principales cultures méditerranéennes ont été multipliés par 3 pour les céréales, par 2,5 pour les légumes et par 5 pour les agrumes.
Et la soif du secteur agricole n’est pas prête d’être étanchée dans cette région à la population grandissante, en partie rurale et pauvre. Au sud et à l’est, les populations agricoles sont passées de 61 à 71 millions d’habitants entre 1960 et 2000. Le Plan Bleu, un organisme de prospective sous l’égide du Programme des Nations unies pour l’environnement, dessine dans son dernier rapport en date de 2006 un avenir sombre si ces différentes tendances entamées perduraient. Parmi les conséquences, des dégradations irréversibles des ressources naturelles, et notamment un épuisement des ressources en eau, mais aussi un maintien de la pauvreté rurale et une désertification accrue. Pour éviter ce scénario catastrophe et gérer de façon durable l’eau, l’organisme encourage à augmenter les revenus des paysans en valorisant leurs productions et à reconnaître le rôle de la forêt méditerranéenne dans l’aménagement du territoire.
Crédits photographiques :
La mer méditerranée, par Steve p2008, licence CC BY 2.0
Usine de désalement, par octal, licence CC BY 2.0
Forêt sur l’île de Vido en Grèce, par bazylek100, licence CC BY 2.0
Date : 30 août 2011
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