dimanche 21 août 2011

Après six mois de neutralité, Tunis reconnaît la rébellion libyenne

TUNIS — Après avoir observé pendant six mois une neutralité prudente vis à vis des belligérants libyens, la Tunisie, directement concernée par le conflit chez son voisin, a finalement reconnu la rébellion comme interlocuteur légitime, alors que la bataille de Tripoli a commencé.

"Le gouvernement tunisien a décidé de reconnaître le Conseil national transitoire libyen (CNT) comme représentant légitime du peuple libyen", a déclaré une source gouvernementale citée par l'agence TAP.

Depuis le début du soulèvement en Libye mi-février, la Tunisie, qui a accueilli jusqu'à 700.000 réfugiés, est restée officiellement neutre vis à vis des deux belligérants, en raison des relations de bon voisinage et des risques de débordement du conflit sur son sol.

Mais avec la progression des rebelles et le début de la bataille de Tripoli, la reconnaissance du CNT était devenue inéluctable, selon l'analyste et historien Fayçal Cherif, pour qui Tunis "a compris que le régime libyen est déchu. Il fallait bien finir par se positionner au niveau diplomatique".

La Tunisie rejoint la trentaine de pays à reconnaître officiellement le CNT, mais il s'agit d'une "des reconnaissances la plus importantes", selon lui.

D'un point de vue symbolique, tout d'abord. "La Tunisie est le premier pays à avoir fait sa révolution, et a été l'étincelle du printemps arabe", a souligné le diplomate et ex-ministre des Affaires étrangères Ahmed Ounaïs. "Avec la Tunisie, l'Egypte, et maintenant la Libye, la révolution arabe devient une réalité historique", a-t-il ajouté.

Au plan géopolitique, la Tunisie est "une issue stratégique" pour la Libye, rappelle Fayçal Cherif, soulignant que le pays a constitué un refuge et un lieu de négociations pour les Libyens.

100.000 Libyens en Tunisie

La Tunisie accueille toujours à l'heure actuelle quelque 100.000 Libyens, répartis dans tout le pays et parfois hébergés par des familles tunisiennes.

A Tunis, des milliers d'entre eux, anticipant la chute du régime Kadhafi, ont d'ailleurs manifesté samedi soir dans la liesse devant l'ambassade libyenne, accrochant un énorme drapeau de la rébellion sur le fronton du bâtiment.

Par ailleurs, de nombreux responsables libyens, membres du régime Kadhafi ou de la rébellion, transitent en Tunisie, où se déroulent depuis des semaines tractations et discussions informelles, notamment à Djerba.

L'île tunisienne a constitué depuis le début du conflit une plaque tournante pour les responsables libyens des deux bords et une porte de sortie pour des personnalités fuyant avant l'effondrement du régime.

L'ex-numéro deux libyen et ancien compagnon de route de Kadhafi, Abdessalem Jalloud, s'est ainsi envolé avec sa famille samedi de Djerba vers l'Italie.

Des responsables du régime, comme le ministre du pétrole Omran Aboukraa, se trouvent toujours à l'heure actuelle en Tunisie, selon des sources policières.

"Les Libyens, quelle que soit leur allégeance, ont su pendant tous ces derniers mois qu'ils pouvaient trouver chez nous un hôte impartial", estime M. Ounaïs.

"Mais lorsque l'échéance s'est rapprochée, Tunis a voulu envoyer le signal aux hommes de Kadhafi qu'ils ne seraient plus désormais acceptés que comme des réfugiés", et non plus comme des interlocuteurs politiques, analyse-t-il.

A Benghazi, le CNT s'est félicité de cette reconnaissance. "C'est un nouveau message à Kadhafi que la partie est terminée", a déclaré un membre du CNT, Fathi Baja.



De Cécile FEUILLATRE (AFP) – Il y a 2 heures

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