mardi 16 août 2011

Berne s'arme contre les plagiaires scientifiques

Pour détecter des similitudes suspectes avec d'autres textes, le Fonds national, principal promoteur de la science en Suisse, s'est doté d'un redoutable logiciel qui filtre les projets soumis par des chercheurs. Un premier bilan sera publié incessamment.

Depuis le début de l'année, plusieurs affaires ont attiré l'attention du grand public sur le problème du plagiat scientifique. On se souvient en particulier de la démission fracassante du ministre allemand de la défense, Karl-Theodor zu Guttenberg, reconnu coupable d'avoir copié, notamment dans un journal zurichois, une bonne partie de sa thèse de doctorat!

On rappellera aussi – une enquête officielle est en cours – la récente controverse sur Philippe Gugler, professeur d'économie à l'Université de Fribourg (et ex chroniquer occasionnel du quotidien suisse La Liberté), accusé de n'avoir pas cité ses sources dans des contributions scientifiques. Et dans des articles de vulgarisation.


Plus vigilant 

Le Fonds national suisse (FNS), qui octroie chaque année 700 millions de francs en subsides de recherche, est, on s'en doute, concerné lui aussi, du moins potentiellement, par la question du plagiat. Pendant des années, il a fondé sa politique dans ce domaine sur le principe de la confiance. Et plusieurs cas de plagiat découverts ces derniers temps ne l'ont pas amené à modifier fondamentalement son attitude. Mais il a décidé d'être désormais plus vigilant.

Depuis quelques mois (la phase d'essai est pratiquement terminée), il utilise en effet
un impressionnant logiciel qui permet de comparer les données figurant dans des demandes de subsides avec toute la littérature scientifique publiée sur internet ou emmagasinée dans des bases de données.

Cet instrument doit aider le Fonds à repérer des chercheurs qui, dans leurs demandes, substantiellement et sans citer leurs sources, utilisent des idées ou reproduisent des textes dont ils ne sont pas les auteurs.


Contrôle manuel aussi

Reconnaître le plagiat n'est cependant pas facile. Selon la directrice adjointe du Fonds, le professeur Angelika Kalt, interrogée par swissinfo, le nouveau logiciel permettrait uniquement d'identifier un texte qui a été copié. Or il se peut très bien que le chercheur qui a reproduit ce texte l'ait fait de bon droit soit parce qu'il a correctement mentionné sa source, soit parce qu'il en est lui-même l'auteur (ce texte ayant par exemple été publié par lui dans une revue scientifique).

Le Fonds devrait par conséquent toujours procéder 'manuellement' car pour l'instant, aucun logiciel ne serait en mesure de distinguer ce genre de situations.


Instrument détecteur de similitudes
La grande spécialiste de la question, Michelle Bergadaä, professeur de marketing à l'Université de Genève, préfère à cet égard ne pas parler d'outil "anti-plagiat' mais d'instrument 'détecteur de similitudes'.

Cela dit, le nouveau logiciel a quand même contribué à détecter plusieurs cas graves susceptibles d'amener le Fonds national à suspendre des demandes de subside, voire à interdire à leurs auteurs de soumettre une nouvelle demande pendant une certaine période.

Précision importante: le logiciel est utilisé exclusivement pour filtrer les demandes de subsides. La surveillance des résultats des travaux de recherche eux-mêmes, une fois les subsides accordés, serait en effet, selon Mme Kalt, la tâche des instituts scientifiques et des Universités concernées.

Sur les expériences faites jusqu'ici avec le logiciel, le Fonds publiera incessamment un rapport détaillé. Ce rapport dira aussi comment et dans quelle mesure le Fonds entend poursuivre son action en la matière. Certaines parties du rapport seront toutefois confidentielles car pour des raisons évidentes (ne pas aider les tricheurs potentiels), la manière de fonctionner du logiciel doit rester secrète


Signer des conventions 

A noter qu'en Suisse et depuis plusieurs années, dans toutes les écoles préparant à la maturité (baccalauréat) et dans toutes les Universités, le plagiat est devenu un vrai problème. Dans beaucoup d'établissements d'enseignement secondaire supérieur (gymnases/lycées), les travaux écrits de maturité sont passés systématiquement par les logiciels anti-plagiat.

Leurs auteurs doivent en outre signer des conventions avec leur école, avant le début des travaux et après la livraison des textes, attestant qu'ils ont rédigé leurs mémoires eux-mêmes et que leurs conclusions ainsi que les résultats de leurs travaux n'ont pas été réalisés par d'autres. Plusieurs Universités recourent à la même procédure, par exemple l'Université de Genève pour les thèses de doctorat.

Favorisé par le développement de l'informatique et d'Internet, le plagiat est devenu un phénomène mondial. Selon le professeur Yves Flückiger, vice-recteur de l'Université de Genève, qui s'occupe du dossier à Genève, il n'est cependant guère possible de se prononcer sur son étendue exacte. Concernant en effet un sujet « par définition caché car frauduleux », il serait « bien difficile » de donner un ordre de grandeur « sachant par ailleurs que, grâce aux nouveaux logiciels utilisés, plus de cas sont détectés sans que l'on puisse dire si ce sont les moyens de détection qui progressent ou les cas de plagiat ».


Michel Walter, swissinfo.ch

16. août 2011 - 16:30

http://www.swissinfo.ch/fre/societe/Berne_sarme_contre_les_plagiaires_scientifiques.html?cid=30913498&rss=true

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire